"Thunderbolts*" : Marvel sort de la dépression
- DoctorVins
- 2 juin
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 juin

Annoncé il y a maintenant trois ans, le projet Thunderbolts* avançait dans la plus grande indifférence, et la mauvaise presse du MCU n'a pas poussé le grand public à s'intéresser au film. Il faut dire que susciter l'intérêt des spectateurs autour d'une équipe inconnue et d'un film construit sur des intrigues secondaires dont personne ne se souciait et des personnages à peine aperçus dans des films et des séries précédentes n'était pas chose aisée. Surtout que la rumeur persistante sur la présence de l'un des personnages les plus difficiles à adapter de l'écurie Marvel semblait se confirmer. La timide campagne promo débutée il y a quelques mois a pourtant semé dans l'esprit de certains une pensée : " Et finalement, pourquoi pas ?"
Après avoir dominé le tout Hollywood pendant une décennie, l'univers cinématographique Marvel (MCU) traverse une mauvaise passe depuis maintenant six ans et la sortie de son plus gros succès : Avengers : Endgame. La grande Saga du Multiverse n'a pas su captiver et fidéliser l'audience comme a pu le faire précédemment La Saga de l'Infini. Pandémie mondiale, montée de l'extrême droite, effets spéciaux décevants, surproduction, manque de cohérence, absence de personnages forts et récurrents, lassitude du public... Les facteurs ayant mené au désintérêt des spectateurs sont nombreux et mériteraient un autre article. Quoi qu'il en soit, les superproductions Marvel sortent désormais, à quelques exceptions près, dans l'indifférence générale, et ce n'est pas Captain America : Brave New World et sa contre-performance au box-office qui viendront prouver le contraire.

Dans l'attente d'un ultime crossover avec Avengers : Doomsday et Avengers : Secret Wars l'an prochain, les amateurs du genre n'avaient plus qu'un seul espoir : The Fantastic Four : First Steps. Attendu comme la lueur d'espoir au bout du tunnel, ce film pouvait permettre à Marvel Studios de se renouveler et de reconquérir le cœur du public. Pourtant, il est une donnée de l'équation que personne n'avait prise en compte : Thunderbolts*.
L'une des grandes erreurs de Kevin Feige, le grand architecte du MCU, ces dernières années est d'avoir négligé ce qui faisait sa force depuis le début : ses personnages. C'est en effet en s'attachant à des personnages forts comme Iron Man ou Captain America que le public s'est pris d'intérêt pour l'univers Marvel pendant dix ans, tolérant même des films parfois médiocres. Or depuis Avengers : Endgame, ces personnages avaient disparu et aucun autre n'a su prendre la relève. Il faut dire qu'introduire un personnage dans une série ou un film pour ne plus le revoir pendant trois, quatre ou cinq ans ne pousse pas le public à s'y intéresser. Des héros prometteurs comme Shang-Chi, She-Hulk, Ms. Marvel, Moon Knight ont ainsi été introduits avant de disparaître sans savoir quand, et même si, nous allons réellement les revoir. Guardians of the Galaxy Vol.3 et Loki, probablement les meilleures œuvres récentes du MCU, sont d'ailleurs totalement centrées sur leurs personnages, tout comme Thunderbolts*.

L'intrigue globale du film est en effet relativement peu intéressante, et des raccourcis grossiers prennent parfois le spectateur pour un imbécile. Pourtant, cela fonctionne, grâce à son équipe de personnages hétéroclites interprétée par un casting impliqué. En mettant ses héros au cœur du récit, en explorant leurs doutes et leurs échecs, on s'attache facilement à eux et on a envie de les revoir, de savoir comment ils vont évoluer. Yelena Belova, sœur de cœur de Black Widow, est l'âme du film : une héroïne dépressive, en proie au doute, qui cherche à donner un sens à sa vie. Actrice brillante, Florence Pugh prouve ici encore une fois son talent, offrant ce qu'il faut d'émotion mais aussi de légèreté à son personnage. Assez peu mentionné, Wyatt Russell fait un excellent travail dans le rôle de John Walker, un Captain America raté, irritant au possible, qui est finalement l'un des personnages les plus humains du MCU dans ses défauts. Enfin, Lewis Pullman, nouvel arrivant au sein de ce vaste univers, a la lourde tâche d'incarner Robert "Bob" Reynolds, un jeune homme tiraillé entre deux personnalités : Sentry, qui incarne son héroïsme, et Voïd, personnification de la dépression.
Dans un monde passablement désabusé et déprimé, le réalisateur Jake Schreier et les équipes de Marvel Studios ne pouvaient pas viser plus juste en faisant de la dépression, ou du moins de son incarnation, le véritable antagoniste du film. Malgré un scénario un peu lourd, les scénaristes arrivent toutefois à bien exploiter les personnages et leurs traumas, et à développer quelques bonnes idées. Sans rentrer dans les détails, la résolution du film est à l'opposé du déluge d'effets spéciaux numériques ratés auxquels l'on avait pu s'habituer, et s'oriente vers quelque chose de bien plus intimiste. Une véritable surprise qui bouleverse la structure établie lors des précédents films et donne espoir pour la suite. Ce film peut d'ailleurs s'interpréter comme un miroir déformant de l'œuvre fondatrice du MCU, le premier Avengers. On y retrouve en effet des lieux et un concept commun. Mais là où les héros originaux s'étaient retrouvés unis par la nécessité de sauver le monde, notre équipe actuelle agit d'abord par appât du gain et pour sa propre survie. Certains personnages entretiennent d'ailleurs une filiation directe avec la première équipe, mais l'optimisme et la candeur de 2012 laissent ici place à la dépression et au cynisme, même si une lueur d'espoir apparaît au bout du tunnel – ou du moins à la fin du générique, qui dévoile le "véritable titre" du film et achève d'assumer son parallèle avec le film de Joss Whedon.

Malgré des défauts, le film renouvelle donc l'intérêt pour l'intrigue générale Marvel, car l'on y retrouve enfin une cohérence. En exploitant des personnages déjà apparus précédemment, le film poursuit des intrigues laissées en jachère et ouvre sur la suite. À noter que si vous n'avez pas vu toutes les productions de ces dernières années, le film rappelle efficacement les éléments essentiels à sa compréhension. Plus surprenant, Thunderbolts* c’est aussi l’une des meilleures bandes originales du MCU, en allant chercher le groupe de pop expérimentale Son Lux, oscarisé en 2023 pour Everything Everywhere All at Once. Un pas de côté bienvenu par rapport à l’histoire des films précédents, qui n’avaient jamais vraiment brillé pour leur musique. À noter aussi un véritable effort sur la photographie du film et une réalisation plus innovante qu’à l’accoutumée.
Thunderbolts* souffre de nombreux défauts, mais en renouant avec une intrigue globale, des personnages touchants et en s’autorisant quelques libertés artistiques, le film marque un pas de côté encourageant pour l’univers cinématographique de Marvel. Le public ne s’y trompe d’ailleurs pas, et le long-métrage connaît un bon bouche-à-oreille. Il faut cependant faire attention : les échecs successifs des productions précédentes font certainement revoir à la hausse le film et dopent l’enthousiasme à son égard. Cependant, le film a un cœur, et ses thématiques toucheront certainement une grande partie du public.
Thunderbolts* - réalisé par Jake Schreier - écrit par Eric Pearson & Joanna Calo - musique composée par Son Lux - Avec Florence Pugh (Black Widow / Yelena Belova), Sebastian Stan (James Barnes), Wyatt Russel (U.S. Agent / John Walker), David Harbour (Red Guardian / Alexei Shostakov), Hannah John-Kamen (Ghost / Ava Starr), Julia Louis-Dreyfus (Comtesse Valentina Allegra de Fontaine), Lewis Pullman (Sentry / The Void / Robert "Bob" Reynolds), Olga Kurylenko (Taskmaster / Antonia Dreykov) & Geraldine Viswanathan (Mel) - 126 minutes - tous publics - sortie le 30 avril 2025.
Toutes les images présentes dans cet article sont la propriété de Marvel Studios.







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