"Deadpool & Wolverine " : Bravo les losers
- DoctorVins
- 24 juil. 2024
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 mai

« Mais qu'est-ce que tu préfères ? Une combinaison jaune ? » Dans le premier film X-Men (2000), le personnage de Cyclope se moquait ironiquement du costume de Wolverine en comics. Porter à l'écran les mutants était déjà un exploit, mais assumer totalement cette mythologie, les studios n'y étaient pas encore prêts et peut-être que le public non plus. Exit donc les costumes colorés, les élèves du Professeur Xavier enfilant alors des uniformes en cuir noir, plus discrets. Presque vingt-cinq ans plus tard, les choses ont bien changé...
Attention, cette review contient des spoilers importants sur le film.
Les adaptations de comic-book sont aujourd'hui monnaie courante. Grâce au Marvel Cinematic Universe (MCU) qui a dominé Hollywood pendant près d'une décennie, Captain America, Groot, Thanos ou Black Panther sont désormais des références culturelles connues de tous. Mais il fut un temps où même l'évocation des Avengers ou d'Iron Man pouvait laisser circonspect le premier passant. Une époque où les films tirés de comics - excepté Batman et Superman - n'étaient pas prises au sérieux par le grand public.
Deux productions vont tout changer. Blade en 1998, mais surtout X-Men en 2000, qui ouvrira en grand les portes des salles obscures aux super-héros. Le long-métrage marque surtout l'introduction de Wolverine, incarné par Hugh Jackman qui bien avant Robert Downey Jr. deviendra l'incarnation ultime de la figure super-héroïque sur les écrans. Il s'en est pourtant fallu de peu pour que l'australien n’incarne pas le mutant griffu. Le rôle avait été en effet attribué à Dougray Scott qui a finalement préféré partir affronter Tom Cruise danse Mission : Impossible 2. C’est ainsi qu’à quelques semaines à peine du tournage, l’acteur est engagé pour jouer le rôle de Logan. Un héros qu'il incarnera pendant dix-sept ans et à qui il dira adieu dans l'excellent film Logan, offrant au mutant canadien une mort déchirante, devançant encore une fois RDJ, qui sacrifiera son personnage d'Iron Man deux ans plus tard dans Avengers : Endgame.

L'histoire aurait pu s'arrêter là. Avec la mort de Wolverine et le rachat de la Fox par Disney, la saga des mutants au cinéma touchait à sa fin. C'était sans compter le chéquier de Mickey, mais aussi l'amitié qui lie deux hommes : Hugh Jackman et Ryan Reynolds. Le troisième opus de la trilogie consacré à Deadpool est en effet pensé comme un point de jonction entre l'univers des films X-Men développé depuis 2000, et le fameux MCU inauguré en 2008 avec Iron Man. En effet, l'univers des Enfants de l'atome tel qu'on le connaissait est peut-être terminé, mais il reste des éléments que la firme aux grandes oreilles aimerait bien garder. Si toutes ces histoires de production nous intéressent ce jour, c'est parce qu'elles correspondent en fait au scénario du film.
Dans Deadpool & Wolverine, il a été décidé par un membre du TVA (Tribunal des Variations Anachroniques), une organisation bien connue des spectateurs de la série Loki, que le monde du héros rouge et noir devait être détruit. Il ne reste plus qu'un seul moyen à Deadpool d'obtenir du sursis pour son univers, trouver Logan et le forcer à s'allier avec lui. La quête de nos deux mutants canadiens va les mener à croiser le chemin de nouveaux personnages, mais surtout revoir des visages familiers, bien connus des fans, offrant ainsi une rétrospective sur plus de vingt-cinq ans d'adaptation de comics. Si l'on remplace la TVA par Disney et la Fox, et nos deux héros par les acteurs qui les incarnent à l'écran, cela correspond plus ou moins à ce qu'il s'est réellement passé à Hollywood ces dernières années : un univers cinématographique en fin de vie, condamné par un exécutif, suite à la mort de son héros principal qui va être sauvé par ses deux plus grandes vedettes et un studio encore plus grand. La métatextualité du personnage de Deadpool prenant ici une dimension encore plus grande que dans les opus précédents.

Pour accompagner son propos, Ryan Reynolds décide d'offrir une lettre d'adieu et un hommage à cette première génération des films Marvel, en faisant revenir bon nombre de personnages pour leur dire merci, mais aussi pour leur offrir une dernière chance de briller. On pense notamment à Jennifer Garner, qui a interprété Elektra dans Daredevil (2003) mais aussi dans le long-métrage éponyme en 2005. L'une des toutes premières adaptations de super-héroïne au cinéma, aussi considérée comme l'une des pires. Mais Reynolds ne fait pas revenir l'héroïne pour rigoler encore une fois de ce passif, mais plutôt pour lui rendre justice, elle qui n'avait pas été épargnée à une époque bien différente pour les adaptations de comic-book et en particulier les personnages féminins. Autre - bonne - surprise, la présence de Channing Tatum en Gambit, un héros que l'acteur avait tenté d'adapter durant des années sans succès, il a ici enfin la chance d'accomplir son rêve. Comment ne pas oublier aussi Wesley Snipes, premier - et unique ? - interprète de Blade, qui deux ans avant les X-Men marquait les grands débuts de Marvel au cinéma, lui aussi de retour.
Deadpool & Wolverine c'est au final une œuvre sur les losers, les oubliés, ceux dont plus personne ne voulait. Même si les deux héros qui donnent leur nom au film sont aujourd'hui parmi les personnages et les acteurs les plus appréciés du milieu, il n'en a pas toujours été ainsi. On a déjà évoqué plus haut le cas de Jackman qui n'était pas le premier choix pour Wolverine, mais le destin de Ryan Reynolds aurait pu être très différent. Lors de sa toute première apparition dans X-Men Origins : Wolverine (2009) l'adaptation du personnage était catastrophique, tout autant que le long-métrage et aurait pu couler la carrière sur grand écran du Mercenaire à grand gueule. C'est parce que l'acteur se battra ensuite et qu'une "source inconnue" fera fuiter une vidéo test en ligne que le projet a pu se concrétiser. Il se permet ainsi avec ce nouveau projet d'offrir un hommage à ceux qui n'ont pas eu la chance, comme lui de se réapproprier un personnage et de prendre le dessus sur les studios. Ryan Reynolds est en effet aujourd'hui à la production et à l'écriture des films Deadpool, en plus d'incarner le héros, sans oublier que derrière la caméra se trouve son comparse Shawn Levy. Un système qui évoque celui de Tom Cruise et Christophe McQuarrie.

Toute cette dimension méta est la plus grande force du film, mais aussi sa plus grande faiblesse. Là où les deux premiers opus pouvaient être regardés par le premier venu, ce n'est ici pas le cas. Le long-métrage demande beaucoup de clés de compréhension pour être apprécié dans sa globalité, les meilleures vannes étant notamment celles les plus référencées. Pour le reste, le ton du film est dans la droite lignée des précédentes productions, les amateurs ne seront pas déçus. Shawn Levy sait tenir une caméra et livre une réalisation efficace, le principal défaut venant plutôt de la mise en scène et des effets spéciaux désastreux.
Après plus de deux décennies, Hugh Jackman a enfin le droit de porter son costume jaune pour le plus grand bonheur des fans. L'époque où les studios n'osaient pas assumer totalement l'héritage des comics est terminée et il aura fallu essuyer beaucoup de plâtres avant cela. Deadpool & Wolverine est un hommage réussi à cette époque. Un film qui souffre des mêmes défauts que les précédents, notamment au niveau visuel, mais qui étonne par sa sincérité et son propos touchant. Que va-t-il advenir désormais pour cette portion d'univers ? Le long-métrage se présente certes comme un au revoir, mais à n'en pas douter l'engouement public et le succès financier risquent certainement d'interférer. Après tout, rien ne se termine vraiment jamais, en particulier dans les comics. Une leçon qu'Hollywood mettra moins de temps à accepter qu'un costume jaune pour son personnage principal.
Deadpool & Wolverine - réalisé par Shawn Levy - écrit par Rhett Reese, Paul Wernick, Zeb Wells, Ryan Reynolds & Shawn Levy - musique composée par Christophe Beck - Avec Ryan Reynolds (Deadpool / Wade Wilson), Hugh Jackman (Wolverine / James "Logan" Howlett ), Emma Corrin (Cassandra Nova), Morena Baccarin (Vanessa Carlysle), Rob Delaney (Peter Wisdom), Leslie Uggams (Blind Al), Matthew Macfadyen (M. Paradox) et Aaron Stanford (Pyro / John Allerdyce) - 127 minutes - interdit aux moins de 12 ans - sortie le 24 juillet 2024.
Toutes les images présentes dans cet article sont la propriété de Marvel Studios.






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