"Mission : Impossible - The Final Reckoning" : Le complexe divin selon Tom Cruise
- DoctorVins
- 3 juin
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Dernière mise à jour : 13 juil.

Il y a trente ans, un jeune agent de l'IMF (Impossible Mission Force) se retrouve au cœur d'un complot visant à l'accuser d'avoir assassiné toute son équipe. Trahi et désavoué, il finira par rétablir la vérité et stopper les coupables. Son nom ? Ethan Hunt. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais après des années et huit films à accomplir des missions de plus en plus périlleuses, l'agent spécial Hunt est devenu une icône du cinéma, indissociable de son interprète : Tom Cruise. La limite entre le personnage et l'acteur se fait d'ailleurs de moins en moins perceptible, en particulier depuis le quatrième opus. À travers Ethan, Cruise se raconte, il donne la vision qu'il a de lui-même et du cinéma, pour le meilleur et pour le pire. Aujourd'hui, il vient - supposément - mettre fin à cette histoire. Le décompte final a commencé.
L'Entité, une IA renégate introduite dans l'opus précédent, prend petit à petit le contrôle de l'humanité. Elle distille la haine et la méfiance et tente de s'emparer des arsenaux nucléaires des grandes puissances mondiales, qui tombent une par une. L'humanité est au bord du précipice, tandis que certains voient en cet algorithme autonome un dieu salvateur qui doit aller au bout de son plan, d'autres souhaitent en prendre le contrôle. Au centre de tout cela, Ethan Hunt se retrouve intronisé comme le dernier espoir de l'humanité, un homme providentiel qui possède - littéralement - le pouvoir de choisir notre destinée dans le creux de sa main.

Poursuivant la logique développée par les derniers films, le personnage joué par Tom Cruise n'est plus un simple agent secret mais l'incarnation du destin, un être absolu seul face au monde. Jeune et fougueux dans le premier long-métrage, on le retrouvait ensuite comme une sorte de super-héros mythifié dans le second, avant que le troisième épisode nous le présente plus humain, prêt à se ranger et à se marier. Mais comme un être divin qui n'aurait pas le droit à une vie simple, le quatrième opus revenait sur cette part d'humanité du personnage, comme s'il lui était interdit de ressentir des émotions. Ethan endossera pleinement son rôle de martyr sauveur de l'humanité avec les cinquième et sixième films.
Entre les lignes, on peut y voir un parallèle flagrant avec la vie privée et la carrière de Tom Cruise. Jeune acteur talentueux, devenu super-star d'Hollywood, il est connu pour avoir été marié à plusieurs reprises. Mais depuis son dernier divorce en 2012, plus aucune info n'a filtré sur la vie privée de l'artiste, qui s'est forgé une image d'acteur-cascadeur ultime, n'existant que par, et pour le cinéma, repoussant toujours plus loin ses limites. Avec Top Gun : Maverick, il se présentait comme le dernier représentant d'un Hollywood révolu qui venait expliquer à la jeune génération qu'il fallait toujours compter avec lui, et le succès du long-métrage qui a ramené en salles le public après le COVID-19 abondait dans son sens. Dans Mission : Impossible - Dead Reckoning, il incarnait le potentiel de l'être humain face à la menace grandissante de l'IA, alors qu'Hollywood connaissait une grève dont les revendications portaient notamment sur l'usage de l'intelligence artificielle. Dans ce huitième film, Tom Cruise franchit encore une étape, en s'octroyant un rôle de messie qui porte le fardeau de la vérité. Un egotrip mégalo qui s'avère malheureusement plutôt bancal.

Mission : Impossible - The Final Reckoning ne cesse de rappeler les prouesses passées de son héros au travers de flashs issus des précédents. Si le gimmick marche plutôt bien dans la première séquence, il devient incessant au cours du film et en est irritant. Des liens artificiels sont aussi tissés avec les précédents volets pour lier le tout en une grande histoire et boucler la boucle. Si certaines idées ne sont pas nécessairement mauvaises - le développement de Briggs -, elles arrivent de manière totalement inopportune et auraient méritées plus de développement. À l'image des personnages secondaires, totalement inexistants, et qui ne sont là que pour souligner la grandeur d'Ethan Hunt. Pourquoi introduire autant de protagonistes lors de ces deux derniers épisodes pour qu'ils ne servent finalement à rien ?
L'équipe de héros participant à la mission n'a jamais été aussi élargie qu'ici, mais elle n'a jamais été aussi peu intéressante, à l'exception de Benji, incarné par Simon Pegg depuis le troisième film et qui continue de s'affirmer. La mort d'Ilsa Faust, dans l'opus précédent, en devient encore plus incompréhensible, il s'agissait d'un des personnages les plus intéressants de la saga, une figure complexe qui apportait un contrepoint intéressant à Ethan tout en l'humanisant. Elle se retrouve remplacée par Grace, protagoniste fonction assez peu pertinente et dont l'alchimie avec notre héros ne fonctionne pas, heureusement qu'elle est toutefois incarnée par la talentueuse et trop rare Hayley Atwell qui apporte de la fraîcheur à l'héroïne. De manière générale, le casting des rôles secondaires et tertiaires est assez exemplaire : Angela Bassett, Hannah Waddingham, Nick Offerman, Holt McCallany, Mark Gatiss...

Mais aussi Esai Morales, que l'on oublierait presque tant les scénaristes ne semblent pas se rappeler que le méchant du film existe. Introduit avec classe dans Dead Reckoning, ce vilain lié au passé de Hunt n'est finalement jamais exploité par l'intrigue, n'intervenant qu'au début et à la fin de l'histoire. Est-ce que l'échec de l'opus précédent a entraîné des réécritures pour réduire son rôle et son lien avec Ethan ? Peut-être, mais cela laisse un sentiment d'inachevé et de potentiel inexploité. Autre grand absent, l'action. Là où les quatre long-métrages précédents nous avaient habitués à une succession de séquences de plus en plus spectaculaires, l'action n'apparaît que très tardivement dans le film au travers de deux séquences réussies mais qui se font attendre. Sans oublier une mention pour une excellente séquence alternée de combat avec d'un côté Ethan et de l'autre son équipe. Les prouesses techniques sont encore au rendez-vous, et valent le coup d'être vues sur grand écran, l'acteur et ses équipes forcent le respect, comment ne pas être impressionné par ce à quoi est prêt Tom Cruise pour nous divertir ?
C'est un sentiment de gâchis qui apparaît lorsque le générique de fin débute. Le Mission : Impossible - The Final Reckoning fait preuve d'un savoir-faire indiscutable dans sa réalisation et offre des moments de bravoure intense, portés par un casting talentueux. L'ambiance crépusculaire et la menace inéluctable représentée par l'Entité fonctionnent à merveille et l'urgence de la mission prend aux tripes. Mais en même temps, le scénario confus et bancal empêche le tout de fonctionner organiquement. Les thématiques intéressantes que le film effleure parfois ne sont jamais développées, et tout n'est prétexte qu'à servir la quête messianique de Ethan Cruise ou Tom Hunt. Là où l'egotrip de l'acteur était toujours mis au service du grand spectacle et du spectateur, il semble ici que l'acteur ne souhaite se faire plaisir qu'à lui-même. On en attendait plus pour ce qui s'annonce comme le grand final d'une franchise jusque là - presque - exemplaire et qui n'a d'ailleurs même pas vraiment le courage d'y mettre un terme.
Mission : Impossible - The Final Reckoning – réalisé par Christopher McQuarrie – écrit par Christopher McQuarrie et Erik Jendrese – musique composée par Lorne Balfe – Avec Tom Cruise (Ethan Hunt), Hayley Atwell (Grace), Ving Rhames (Luther Stickell), Simon Pegg (Benji Dunn), Esai Morales (Gabriel), Pom Klementieff (Paris), Henry Czerny (Eugene Kittridge), Angela Bassett (Erika Sloane), Shea Whigham (Jasper Briggs), Greg Tarzan Davis (Theo Degas), Rolf Saxon (William Donloe), Lucy Tulugarjuk (Tapeesa), Holt McCallany (Serling Bernstein), Nick Offerman (General Sydney), Hanna Waddingham (Amiral Neely), Tramell Tillman (Capitaine Jack Bledsoe), Mark Gatiss (Angstrom) et Charles Parnell (Richards) – 169 minutes – tous publics – sortie le 21 mai 2025.
Toutes les images présentes dans cet article sont la propriété de Paramount Pictures.







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