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"Superman" : Le plus punk des super-héros

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Avez-vous déjà essayé de faire rentrer un carré dans un rond ? Prenons un cercle, que l'on appellera James Gunn et qui a toujours aimé les losers et les monstres. Il l'a prouvé à maintes reprises lors de sa carrière au sein des studios Troma, puis avec sa trilogie des Gardiens de la Galaxie chez Marvel et enfin au sein de DC Studios avec The Suicide Squad et Creature Commandos. Prenons maintenant un carré du nom de Superman, figure emblématique du super-héros parfait, bon sous tous rapports. Essayons maintenant de les assembler, pas simple n'est-ce pas ?



En 1978, Richard Donner et Christopher Reeve nous ont fait croire qu'un homme pouvait voler dans un film considéré par certains comme l'adaptation ultime d'un comic-book au cinéma. Une vision de l'homme d'acier qui influencera largement la culture populaire et dont le studio n'arrivera pas à s'émanciper lorsqu'il faudra rebooter le personnage à l'aube des années 2000 avec Superman Returns. Seul Zack Snyder s'éloignera de l'ombre de Reeve de Donner pour livrer une vision du personnage drastiquement différente et qui ne remportera pas tous les suffrages malgré une mise en scène spectaculaire.


Un Superman radicalement différent de la version précédente.
Un Superman radicalement différent de la version précédente.

James Gunn prend ici le contrepied total du travail de Snyder et revient aux sources, à la fois pour le meilleur mais aussi parfois pour le pire. Le réalisateur et scénariste américain a parfaitement saisi l'essence du personnage et de son univers. S'inspirant des meilleures œuvres du personnage : Superman : The Animated Series (1996 - 2000), les comics du Silver Age (1956 - 1970), les travaux de Grant Morrison sur Action Comics (2011 - 2013) et All-Star Superman (2006 - 2008) et bien évidemment le film de 1978 et sa suite. Il mêle donc classicisme et modernité dans une lecture du personnage et de son entourage parfaite. Le problème majeur étant que Gunn semble avoir du mal à s'affranchir totalement de l'ombre de Reeves et Donner, la réorchestration à outrance du thème culte de John Williams en est d'ailleurs le symbole absolu. Cette version du héros n'a pas son propre thème et la bande originale du film est sans saveur, là où Hans Zimmer avait su brillamment mettre en musique le personnage il y a douze ans.


C'est d'autant plus dommage car tout le reste de ce monde est dépeint avec brio et sincérité. Nous l'avions compris avec la série Creature Commandos, ce nouvel univers est déjà bien vivant et installé. Gunn a compris que les spectateurs sont désormais bien familiers des concepts issus des comic-books et de l'origin story de Superman, il n'a donc pas à repasser par une longue introduction et peut rentrer directement dans le vif du sujet. Le film commence donc in medias res, nous plongeant directement au cœur de l'action, une structure narrative audacieuse qui fonctionne à merveille pour nous introduire ce nouveau lore. Cependant, dans sa passion, Gunn se montre peut-être parfois trop généreux, il introduit beaucoup d'éléments et de personnages qui pourront perdre le grand public, et frustrer les fans car ils n'ont pas le temps d'être développée correctement. Ce problème se pose notamment lors de certaines scènes qui auraient pu être plus poignantes si les protagonistes avaient été introduits plus en profondeur.


Guy Gardner, le plus tête à claques des Green Lantern et l'un des nombreux ajouts du film.
Guy Gardner, le plus tête à claques des Green Lantern et l'un des nombreux ajouts du film.

Mis à part ce trop-plein d'éléments narratifs et une bande originale décevante, ce Superman version 2025 est une franche réussite, le miracle James Gunn frappe encore. Si l'essence du personnage est capturée par l'écriture et la mise en scène, elle est incarnée avec brio par David Corenswet qui livre une prestation irréprochable. Le réalisateur sait caster ses personnages et le prouve ici encore une fois car c'est la totalité du casting qui est au diapason. Rachel Brosnahan incarne la Lois Lane ultime et son alchimie avec son partenaire à l'écran est palpable, Nicholas Hoult marche à merveille sur le fil entre caricature et justesse pour son Lex Luthor. Nathan Fillion est Guy Gardner, le Green Lantern tête à claques tout droit sorti des pages de comic-book. Potentiel gâché de X-Men : First Class (2011), Edi Gathegi, prend sa revanche en incarnant Mr. Terrific, personnage secondaire de l'univers DC qui occupent ici une place importante du film. Même des seconds rôles qui occupe peu de temps d'écran tels que la rédaction du Daily Planet arrivent en quelques répliques à incarner ces figures de l'univers de Superman tels que Perry White, Jimmy Olsen, Steve Lombard...


Cette distribution sans fausse note s'articule autour d'un scénario dense - parfois trop - mais en phase avec l'actualité. Si James Gunn récupère les éléments classiques du personnage, il s'interroge sur sa place dans le monde d'aujourd'hui. Ainsi Lex Luthor qui était un pastiche de Mark Zuckerberg sous la caméra de Zack Snyder en 2016, c'est ici plutôt un mélange de Jeff Bezos et Elon Musk avec une légère touche de Donald Trump que l'on retrouve dans la caractérisation du personnage et de son plan. L'un des enjeux centraux du film concerne aussi l'implication de Superman pour stopper l'invasion, voire le massacre, d'un pays par son voisin plus riche, toute ressemblance avec le conflit russo-ukrainien n'est donc pas fortuite et Gunn l'assume clairement.


Quand la fiction rejoint la réalité :  Nicholas Hoult avait initialement auditionné pour le rôle de Superman avant d'être choisi pour Luthor.
Quand la fiction rejoint la réalité : Nicholas Hoult avait initialement auditionné pour le rôle de Superman avant d'être choisi pour Luthor.

Concernant le conflit israélo-palestinien, la question se pose. Le film ayant théoriquement été écrit en 2022, les événements du 7 octobre 2023 et les atrocités qui en découlent n'ont pas influencé le scénariste, mais les références et l'imagerie convoquée par le film sont trop équivoques pour être anodins. Le pays fictif jouant le rôle de l'agresseur, la Boravie, est une puissance financée, soutenu et armé par Luthor, ce qui évoque bien plus Israël que la Russie. dans son rapport à l'Amérique. Le plan du vilain est aussi d'aménager une partie du territoire à sa convenance et pour faire fructifier ses intérêts, le parallèle avec les propos affligeants de Trump concernant une "Côte d'Azur du Moyen-Orient" est flagrant. Dans tous les cas la réalité semble avoir rattrapé la fiction et si cela avait vraiment dérangé Gunn, il aurait pu agir sur le projet et modifier sa trajectoire avec sa double casquette de réalisateur et président du studio, le film prend donc - involontairement ou non - position contre le génocide en cours à Gaza et l'invasion de l'Ukraine. Là ou l'on reprochait souvent au Marvel Cinematic Universe sa tiédeur dans l'approche de sujets d'actualité, DC Comics met les pieds dans le plat dès le début. Le film se fait déjà d'ailleurs déjà attaquer de wokisme de toute part, mais il faut rappeler que le personnage a toujours été woke, si tant est que ce terme aujourd'hui galvaudé signifie vraiment quelque chose. Dès sa première apparition en 1938 le héros s'est impliqué dans des causes politiques et sociales.


C'est donc dans un contexte plus qu'actuel que l'homme d'acier fait son retour, pourtant, le réalisateur n'hésite pas à utiliser les éléments les plus bizarres de la mythologie du dernier fils de Krypton, La Forteresse de Solitude fait donc son retour, les habitants de Metropolis ne sont même plus étonnés à l'idée de voir un kaiju attaquer la ville et enfin, Krypto le super-chien fait enfin son arrivée sur grand écran ! Mais Gunn n'hésite pas à utiliser habilement cette bizarrerie old-school pour la rendre pertinente en la mêlant à un propos plus moderne.


L'alchimie entre David Corenwset (Superman) et Rachel Brosnahan (Lois) et l'un des points fort du film.
L'alchimie entre David Corenwset (Superman) et Rachel Brosnahan (Lois) et l'un des points fort du film.

C'est par tous ces éléments étranges que James Gunn a finalement pu s'approprier l'univers de Superman, lui le freak amateur de baroque. En utilisant ce point d'entrée il a pu cerner le personnage et finalement réaliser que ce qui faisait de lui un parangon de vertu et d'honnêteté autrefois en fait aujourd'hui un être étrange dans une société polarisée et cynique. C'est niais oui, mais c'est ça Superman, et on en a cruellement besoin. Le réalisateur n'a pas eu besoin de faire du personnage un marginal car il l'était déjà. Comme le héros le dit lui-même, prôner des valeurs de tolérance et de bienveillance aujourd'hui c'est peut-être ça "the real punk rock".


Superman est un film bizarre. Adapter l'homme d'acier était un défi personnel que le réalisateur a refusé à plusieurs reprises, car il ne se sentait ni en phase, ni à la hauteur d'un tel projet. Il était donc normal d'être impatient, inquiet et excité de voir comment James Gunn allait s'approprier le personnage. Il en résulte un film étrange qui malgré des défauts réussit à nous les faire oublier en nous emportant du début à la fin, et surtout en nous faisant espérer. Gunn a su conserver son impertinence et son amour des bizarreries tout en respectant et comprenant parfaitement l'univers de Superman. James Gunn sur Superman, c'est un peu la quadrature du cercle mais ça fonctionne. Après tout qui aurait pu imaginer que Superman pourrait devenir une icône punk ?



Superman – réalisé et écrit par James Gunn – musique composée par John Murphy & David Fleming - Avec David Corenswet (Superman / Kal-El / Clark Kent), Rachel Brosnahan (Lois Lane), Nicholas Hoult (Lex Luthor), Nathan Fillion (Green Lantern / Guy Gardner), Edi Gathegi (Mister Terrific / Michael Holt), Isabela Merced (Hawkgirl), Skyler Gisondo (Jimmy Olsen), Wendell Pierce, (Perry White), Maria Gabriela de Faria (The Engineer / Angela Spica), Anthony Carrigan (Metamorpho / Rex Mason), Sara Sampaio (Eve Teschmacher), Terence Rosemore (Otis), Pruitt Taylor Vince (Jonathan Kent), Neva Howell (Martha Kent), Beck Bennett (Steve Lombard), Mikaela Hoover (Cat Grant), Christopher MacDonald (Ron Troupe), Stephen Blackehart (Sydney Happersen), Frank Grillo (Rick Flag, Sr), Zlatko Buric (Président Vasil Ghurkos) Alan Tudyk (Robot Superman N°4 "Gary"), Bradley Cooper (Jor-El) et Angela Sarafryan (Lara Lor-Van) – 129 minutes – tous publics – sortie le 9 juillet 2025



Toutes les images présentes dans cet article sont la propriété de DC Studios.








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