" The Riddler : Année Un " : L'énigme initiale résolue par Paul Dano et Stevan Subic
- DoctorVins
- 7 nov. 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 janv.

Qu'est-ce qui peut être brisé, mais n'est jamais tenu ? Après avoir incarné le Riddler sous la caméra de Matt Reeves il y a deux ans, Paul Dano retrouve le personnage pour nous conter les événements qui vont faire basculer dans la folie le timide Edward Nahston, mais cette fois-ci sous la forme d'une bande dessinée.
Depuis quelques années, il n’est pas rare de voir des éditeurs de comics utiliser la notoriété de célébrité pour lancer des séries, l’exemple le plus célèbre étant le BRZRKR de Keanu Reeves publié chez Boom! Studios. Loin d’être un gage de qualité, cet effet d'appel dissimule parfois quelques bonnes surprises. En effet, si parfois l’annonce d’un acteur ou d’une actrice à l’écriture d’une bande dessinée semble sortir de nulle part, le projet ici concerné présente une base plutôt intéressante.
Bien que l'aspect commercial de la démarche, surfant sur le succès du film The Batman semble évident, on connaît aussi le professionnalisme de Paul Dano, son soin à choisir ses rôles, et l'implication qu'il y met. Le voir retrouver le personnage pour développer ses origines et sa psychologie dans un prequel n'apparaît donc plus uniquement comme un coup marketing, mais plutôt comme une opportunité intéressante. Oubliez tout ce que vous avez pu savoir de celui que l'on appelle le Riddler - mais aussi le Sphinx ou l'Homme-mystère en version française.

Si vous pensez assister à l'origine d'un super-vilain, détrompez-vous. C'est en effet l'histoire d'un super-héros qui va nous être contée. Du moins, c'est ainsi que se voit Edward Nashton. S'il est un comptable introverti à qui personne ne prête attention, notre jeune surdoué voit quant à lui tout ce qui se déroule autour de lui, et comprend tous les rouages du monde qui l'entoure. Des secrets qui vont petit à petit lui faire perdre pied, poussant notre "héros" à s'isoler du monde et se réfugier davantage sur des sites communautaires où il peut partager sa passion pour les devinettes et autres énigmes. Le scénariste ancre son personnage dans le réel de notre époque de post-vérité, et c'est notamment par ces réseaux sociaux douteux où pullulent les théories du complot que Nashton va finir sa radicalisation. Il va alors se décider à rendre justice, en s'inspirant du justicier récemment arrivé en ville : Batman. Toutefois, la limite est fine entre le bien et le mal.
En utilisant une narration à la première personne, l’acteur/auteur nous plonge au cœur du cerveau d’Edward et se livre à une interprétation non plus filmée mais écrite du vilain. Un complément bienvenu tant la psyché du personnage n’est finalement explorée qu’en surface dans le long-métrage. C'est à se demander si tout le travail que l'on retrouve dans ces pages n’a pas été fait en amont du tournage par le comédien pour étoffer son interprétation. Il prend ici tout le temps nécessaire pour nous faire comprendre la descente aux enfers de son protagoniste et le fonctionnement de son cerveau torturé. Il poursuit la construction en miroir entre Batman et le Riddler que Matt Reeves avait déjà amorcée dans son film, celle de deux orphelins de Gotham avec l'envie de sauver la ville, mais que la vie emmènera sur des chemins bien différents.

Il serait tentant de dire qu’avec un autre dessinateur, ce récit n’aurait pu être qu’une banale origin story sans saveur. Cependant, après avoir refermé l’album, il est clair que personne d’autre n’aurait pu illustrer ces pages, tant on ressent une telle synergie entre les planches de Stevan Subic et les mots de Dano. Loin d’une mise en page classique, le Serbe, véritable révélation de cet album, fait preuve d'inventivité pour retranscrire la psychologie perturbée du futur Riddler. DC Comics n'aurait pu trouver meilleur allié pour accompagner le scénariste, presque chaque case peut être décortiquée et donner lieu à différentes interprétations. Le chapitre cinq, déconcertant, est d'ailleurs un excellent exemple, les deux auteurs nous font enfiler les lunettes d’Edward, et placent entre nos mains un de ses carnets secrets. En le feuilletant, nous assemblons autant les pièces du puzzle qu’il cherche à résoudre, que celles de son esprit malade.
Personnage à part entière de l’univers de Batman, la ville de Gotham City était déjà magnifiquement dépeinte dans le long-métrage : une métropole grouillante et corrompue où l'on pouvait tout de même déceler de l'espoir. L'équipe créative réussit ici le tour de force de nous replonger au sein de ce même décor, mais avec une saveur différente. Là où Matt Reeves nous faisait découvrir Gotham du point de vue du Batman - interprété par un Robert Pattinson envoûtant - c’est ici au travers des yeux de son antagoniste que nous découvrons la ville, toujours dans l'optique d'établir un parallèle entre les deux orphelins. S'offre alors à nous une cité peuplée de rats et démons qui tourmentent notre pauvre comptable, mettant en doute sa perception du réel. Le personnage du Chevalier noir est quant à lui à peine présent au sein du récit, qu’il survole pourtant telle une ombre omniprésente à travers Gotham City et surtout dans l’esprit d’Edward.

Si l'expérience de découvrir autrement cet univers vous plaît, un autre personnage aperçu dans le film a aussi le droit à sa propre introspection. " Je suis un oiseau, je peux nager mais je ne vole pas. Qui suis-je ? " Il s'agit bien évidemment du Penguin. Incarné par Colin Farrell, le personnage a le droit non pas à un comics, mais à une série télévisée disponible sur la plateforme MAX qui explore le destin du personnage après The Batman. Nous souhaitons à ses équipes de production la même réussite que les auteurs de cet album pour s'approprier un univers riche, qui ne demandait qu'à être exploré ailleurs que sur la pellicule de Matt Reeves. Nous ne manquerons pas de revenir prochainement sur cette série.
Plus qu’un complément à The Batman, cet album est une œuvre à part entière. DC Comics a su prendre au sérieux ce projet, laissant toute latitude à son équipe créative pour travailler correctement et faire de The Riddler : Année Un une réussite en tout point. La partie graphique, certes un peu exigeante, risque de dérouter certains lecteurs, mais c'est aussi l'une des grandes forces de cet ouvrage que nous vous conseillons vivement. Si vous cherchiez encore la réponse à l'énigme en ouverture de cette chronique, ne cherchez plus, il s'agit d'une promesse, et elle est ici tenue par Paul Dano et Stevan Subic.
The Riddler : Année Un - Paul Dano (scénario) - Stevan Subic (dessin, encrage et couleurs - Jérôme Wicky (traduction) - contient The Riddler : Year One #1-6 - cartonné - 240 pages - 25,00 € - Urban Comics - DC Black Label - sortie le 02 février 2023

Toutes les images présentes dans cet article sont illustrées par Stevan Subic ainsi que la propriété de DC Comics, Inc.
Si la lecture de cet album vous a plu nous vous conseillons aussi :
Batman : Imposter - Mattson Tomlin (scénario) et Andrea Sorrentino (dessin) - Urban Comics - 20,00 €
Batman - One Bad Day : Le Sphinx - Tom King (scénario) et Mitch Gerads (dessin) - Urban Comics - 16,00 €






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